Le plafond de verre reste une réalité
- Les femmes occupent seulement 2,5% des 80 postes de Président et/ou Directeur Général des entreprises du CAC 40 : aucune femme à un poste de PDG, aucune femme à un poste de président et seulement 2 femmes directrices générales.
- Les femmes ne représentent que 20,37% des comités exécutifs des entreprises du CAC 40 alors qu’elles représentent 33,72% de la population des cadres, vivier traditionnel de recrutement des dirigeants.(Source : Observatoire Skema 2021 de la féminisation des instances de gouvernance des entreprises du CAC 40)

Femmes dirigeantes
En France, où en est-on en 2024 ?
Qu’elles aient fondé leur entreprise, l’aient reprise ou aient gravi les échelons vers un poste de direction, les femmes dirigeantes ont su se faire une place à des niveaux hiérarchiques occupés encore majoritairement par des hommes. Quels sont leurs atouts pour réussir ? Quels obstacles ont-elles dû franchir ? Leur style de management se différencie-t-il de celui de leurs collègues masculins ?
Dans les entreprises, la mixité à tous les niveaux est reconnue comme un facteur de performance éco-nomique, le travail en commun d’hommes et de femmes permettant de mieux exploiter leurs expériences et leurs qualités complémentaires, ce qui favorise notamment l’innovation.
Tandis que, selon l’Observatoire Skema de la féminisation des entreprises 2021, la féminisation du Comex et de l’encadrement engendre pour l’entreprise une bien meilleure rentabilité à court et moyen termes, de meilleures performances en RSE et une diminution du risque financier et des risques extra-financiers. Durant la crise boursière de 2020, un portefeuille composé d’actions d’entreprises dont l’encadrement est féminisé à plus de 40% surperformait le CAC 40 et le portefeuille composé des entreprises les plus masculines.
Un moindre risque de défaillance pour les entreprises féminines
Enfin, selon la 6e édition du baromètre de la parité dans la direction des TPE françaises, établie par Manageo, les petites entreprises dirigées par des femmes font moins faillite que celles dirigées par des hommes. 54,3 % des TPE féminines présentent un risque faible ou très faible d’entrer en défaillance, contre 50 % pour les TPE masculines. C’est surtout en matière de gestion financière que les femmes ont une pratique différente de celle des hommes dans la mesure où elles observent une plus grande prudence.
Les structures auraient donc tout intérêt à féminiser leur gouvernance, les compétences des femmes en matière de gestion ne cessant d’être reconnues. Mais on observe une persistance de stéréotypes de genre aux niveaux les plus élevés de la hiérarchie professionnelle. C’est la raison pour laquelle a été votée la loi Copé-Zimmerman du 27 janvier 2011, relative à la représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d’administration et de surveillance et à l’égalité professionnelle. Elle impose aux sociétés anonymes et aux sociétés en commandite par actions qui sont cotées en bourse ou qui, trois ans durant, emploient un nombre moyen d’au moins 500 salariés permanents et présentent un montant net de chiffre d’affaires ou un total de bilan d’au moins 50 millions d’euros, de respecter un quota de 40 % de sièges dévolus aux femmes au sein des Conseils d’administration et de surveillance.
Les mêmes règles s’appliquent aux entreprises publiques nationales, aux établissements publics industriels et commerciaux, et aux établissements publics mixtes de l’État dont le personnel est soumis à des règles de droit privé.
Les femmes et le CAC 40
Les groupes du CAC 40 ont, pour une très large majorité, anticipé les obligations légales. Mais il est vrai qu’il y avait du chemin à faire : le pourcentage de femmes dans les conseils d’administration et de surveillance n’était que de 10% en 2008 ! Le classement de la 8ème édition du Palmarès de la féminisation des instances dirigeantes des entreprises du SBF 120 (réalisé dans le cadre des Assises de l’égalité économique et professionnelle) confirme l’impact de la loi Copé-Zimmermann sur l’évolution des taux de féminisation dans ces conseils puisqu’ils sont passés de 26,2% en 2013 à 45% en 2019, puis à 45,5% en 2020. Les efforts restent cependant à poursuivre pour les postes de direction générale et de présidence du conseil d’administration : seules 12 femmes sont directrices générales ou présidentes de directoire (contre 11 en 2019) et 11 femmes présidentes de conseil d’administration ou de surveillance (contre 7 en 2019).
La dynamique de féminisation de la gouvernance a donc peu d’impact puisqu’au sein des comités de direction, les femmes sont très largement exclues. Les inégalités sont particulièrement effectives au sein du CAC 40 (cf encadré). Et si la mixité a bien progressé à divers échelons au sein des grands groupes cotés, ce n’est pas la même chose dans les PME, où la loi ne s’applique pas.
De nouveaux quotas
L’égalité hommes femmes ayant été déclarée comme une « grande cause du quinquennat » par le Président de la République Emmanuel Macron, d’autres lois ont instauré des obligations en ce sens à la charge des entreprises. Il y avait déjà eu, avant ce quinquennat, une loi de 2014 pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes. Ont suivies une loi de 2018 pour la liberté de choisir son avenir pro-fessionnel, ou encore la loi PACTE. Cette dernière sanctionne de nullité les délibérations rendues par des conseils d’administration ou de surveillance des sociétés cotées ne respectant pas leurs obligations de parité (une certaine souplesse est cependant prévue par les textes...).
Plus récemment, la loi du 24 décembre 2021 vise à accélérer l’égalité économique et professionnelle. Outre des obligations de transparence sur le respect de la mixité au sein des entreprises de plus de 1000 salariés, cette loi impose des quotas de 30% de femmes cadres-dirigeantes et de 30% de femmes membres des instances dirigeantes en 2027. Ces quotas passeront à 40% en 2030
Certains secteurs demeurent plus féminins
Les mentalités peinent donc à évoluer. Même si certains secteurs possèdent de nombreuses femmes à des postes de direction, les préjugés demeurent et voir une femme dirigeante n’est pas encore entré complètement dans les mœurs, même si les nouvelles générations n’ont heureusement pas la même optique que les plus anciennes. D’ailleurs, on observe que les postes de direction occupés par les femmes ont tendance à être limités selon les fonctions : la représentation des femmes est plus forte au sein des directions Communication & Marketing, Ressources Humaines et Juridique.
Une étude sur la diversité et l’inclusion au sein du CAC 40 publiée l’an dernier par l’Observatoire Skema de la féminisation des entreprises souligne par exemple que les salariés sont plus misogynes que les dirigeants pour nommer des administrateurs-salariés. Elle relève d’autre part une rupture de plus en plus marquée entre les entreprises très féminisées (ayant un pourcentage élevé de femmes dans les effectifs et l’encadrement) qui ont des difficultés à recruter des hommes, et les entreprises peu féminisées (pourcentage faible de femmes dans les effectifs et dans l’encadrement) qui ont des difficultés à recruter des femmes.
Même si l’on s’oriente vers une plus grande parité au sein des entreprises, celle-ci progresse donc lentement et le plafond de verre reste une réalité. A peine plus de 30% des dirigeants sont des femmes dans les TPE-PME françaises, soit à peu près le même pourcentage qu’il y a 30 ans !
Et elles sont plus souvent dirigeantes de structures unipersonnelles, situées dans des secteurs traditionnellement féminins (communication, tourisme, aide à la personne...), tandis qu’elles se font plus rares dans les secteurs comme l’industrie ou le bâtiment.
Une baisse inexpliquée
Le nombre de femmes dirigeantes est en baisse dans les petites entreprises (32,3 % sont dirigées par des femmes). Une tendance qui se retrouve au niveau des créations d’entreprises, avec seulement 34,4 % de TPE fondées par des femmes. Ce chiffre est en diminution depuis deux ans.
(Source : 6e édition du baromètre de la parité dans la direction des TPE françaises - Manageo)
La passion d’entreprendre
Devant la difficulté à parvenir à un poste de décision, beaucoup de femmes se dirigent vers la création ou la reprise d’entreprise. Cette démarche, synonyme d’indépendance, de liberté, représente pour elles une opportunité de mieux maîtriser leur temps et leur évolution professionnelle. Certaines possèdent la passion d’entreprendre.
Malgré tout, la part de femmes parmi les créateurs d’entreprise stagne autour de 30 % depuis plusieurs années, avec une proportion un peu plus importante au sein des auto-entrepreneurs (34 %) et dans le e-commerce. Et pourtant, comme nous l’avons dit plus haut, il s’avère que les femmes créatrices d’entreprise créent des sociétés qui sont aussi, voire plus pérennes que celles des hommes !
Réussir dans un milieu essentiellement masculin exige ténacité et force de caractère. Malgré des diplômes équivalents, les femmes doivent se battre et prouver leurs compétences pour que celles-ci soient reconnues. Voulant se prouver qu’elles peuvent réussir et le prouver aux autres, elles s’impliquent souvent beaucoup plus que leurs homologues masculins. Mais la reconnaissance arrive avec les années et, dans certaines sociétés, les salariés reconnaissent même être fiers d’avoir une femme comme dirigeante.
Selon le secteur professionnel ainsi que la personnalité de chacune, s’imposer en tant que dirigeante sera plus aisé. Beaucoup considèrent que les hommes, tout autant que les femmes, éprouvent des difficultés pour monter leur société et la mener vers la réussite et que tout dépend des capacités de chacun.
D’ailleurs une large part des femmes dirigeantes nie toute spécificité féminine quant aux problèmes rencontrés lors de la création de leur société ou de leur accession à la direction d’une entreprise. Etre chef d’entreprise représente une tâche difficile, quoi qu’il en soit !
Quels sont les atouts de la gouvernance au féminin ?
La gouvernance au féminin implique-t-elle réellement un style de management différent ? Il ne faut pas généraliser : la personnalité, le caractère, les aptitudes de chacun passe avant le fait d’être homme ou femme. Certaines qualités cependant peuvent être considérées parfois comme plus féminines. Parvenues à un poste de direction, les dirigeantes adoptent souvent un style de management qui se démarque et elles obtiennent des résultats remarquables.
Comme le souligne le Ministère chargé de l’égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l’égalité des chances (www.egalite-femmes-hommes.gouv.fr), la mixité est une question de droit, mais c’est aussi un enjeu de compétitivité et de performance économique et sociale pour l’entreprise, et donc une source de croissance.
L’égalité professionnelle hommes-femmes est considérée comme l’un des piliers de la qualité de vie au travail de la cohésion sociale en entreprise, dont les effets sont reconnus sur la performance. La mixité dans les instances dirigeantes permet la mobilisation de tous les talents, toutes les compétences et toutes les expériences disponibles, créant ainsi une dynamique nouvelle. Elle limite le conformisme dans les décisions, renforce l’intelligence collective du groupe. Elle pousse également à la professionnalisation du métier d’administrateur, grâce au recrutement sur le seul critère de la compétence.
Une priorité à l’humain
Sans cependant généraliser donc, s’il fallait citer des qualités plus féminines, les femmes dirigeantes font souvent preuve de souplesse, de persévérance et de perfectionnisme.
Leur plus forte implication dans leur travail contribue à améliorer les performances de leur entreprise. Certaines reconnaissent se remettre plus volontiers en question que les hommes, ce qui leur permet de s’adapter peut-être plus aisément dans la conjoncture difficile que nous connaissons actuellement.
Plus lucides, pondérées, pragmatiques, diplomates, elles savent aussi souvent mieux déléguer. Plus intéressées par l’entretien de relations durables avec leur clientèle, l’ambiance agréable au travail et le bien-être de leurs équipes, elles traitent différemment les problèmes d’organisation au sein de l’entreprise ainsi que les relations personnelles. Leur management, volontiers participatif, repose sur l’écoute, l’attention aux autres, la recherche de consensus.
En fait, loin de considérer uniquement l’aspect honorifique du poste de dirigeante, les femmes souhaitent avant tout s’épanouir professionnellement. C’est pourquoi l’accession des femmes à la tête des entreprises et dans les instances de décision économique risque de bouleverser tout un système de valeurs qui régit le monde capitaliste, fait d’individualisme et de compétition. Moins axées sur la recherche de résultats immédiats, elles apportent à l’économie un plus grand équilibre, la recentrant sur l’humain.
Les femmes atteignent la place de dirigeantes dans les TPE et PME :
- 44 % par création d’entreprise
- 43 % par rachat d’entreprises
- 27 % par promotion interne(Source : Manageo/KPMG)